Elections tunisiennes, mort de Kadhafi : un seul perdant, l’Occident
L’issue des élections de l’Assemblée Constituante tunisienne avec le triomphe du parti Ennahda, ainsi que les circonstances plus que troublantes entourant la mort du Colonel Kadhafi peuvent faire penser que l’appui des Occidentaux aux révoltes arabes pourrait finalement se retourner contre eux, à terme.
Le cas libyen est encore beaucoup trop récent pour en mesurer les conséquences possibles. Nous vous avions parlé, il y a plus d’un mois déjà, de la prise en main de Tripoli par d’anciens membres d’Al Qaida, autour d’A. Belhadj. Aujourd’hui, ce sont les circonstances de la mort (assassinat ?) de Kadhafi qui posent problème. Le Conseil National de Transition affirme que celui-ci est mort au cours de tirs croisés entre sa garde rapprochée et les contestataires. Néanmoins, de nombreuses sources affirmaient dès la mort du rais la présence d’avions de l’OTAN autour de Syrte, ses avocats (français notamment) dénonçant là une « opération homicide programmée ». Bref, nous suivrons avec beaucoup d’intérêt les premiers pas du CNT dans l’ère post-Kadhafi, avec déjà les premières inquiétudes occidentales vis-à-vis de l’islamisation déjà imposée par le nouveau régime.
Ennahda, cause de toutes les (fausses) inquiétudes occidentales
Au contraire de l’Egypte, beaucoup pensaient que les islamistes ne pourraient l’emporter dans la nouvelle Tunisie. Une Tunisie bien plus occidentalisée, aux droits des femmes inaliénables, qui ne pourrait élire un parti censé défendre l’opposé de ces idées. Et bien non, car l’élection de dimanche l’a montré, la nouvelle Tunisie a clairement choisi de se démarquer de tout un héritage politique. Le parti « islamiste » Ennahda est sorti vainqueur des élections, avec un programme qui peut faire pâlir pas mal d’investisseurs et d’hommes politiques occidentaux, trop habitués à profiter des avantages de l’ère Ben Ali.
Nier cela serait une profonde erreur pour les gouvernements occidentaux. Leur chance est de voir qu’Ennahda n’a pas réalisé un raz-de-marée, et devra très certainement se tourner vers la gauche pour donner un nouveau visage à la Tunisie. L’économie ne sera pas chamboulée, l’ouverture et le libéralisme domineront les réformes gouvernementales. L’enjeu sera également de perpétuer les avantages qu’avait permis Ben Ali (chômage de 15%, éducation très au-dessus de la moyenne des pays arabes, etc.), tout en évitant ses terribles excès (principalement la très mauvaise répartition des richesses). Intérieurement, il n’y aura donc pas de grands changements.
C’est la politique étrangère qui subira les plus profondes mutations. La Tunisie a comme partenaire majoritaire l’UE (pour 80% de ses échanges). Cela changera, compte tenu de l’orientation politique d’Ennahda : elle cherchera, à coup sûr, l’appui déterminant de la Turquie, voire du Qatar, fervent soutien de l’opposition à Ben Ali. Et cela au détriment de l’Europe, qui n’a décidément pas besoin de ça en ce moment…